Foto: Pedro Fernández |
Née dans un camp de réfugiés au sud de Tindouf, en Algérie, la chanteuse Aziza Brahim a mis sa vie et ses talents au service de la cause de son peuple sahraoui. Son fascinant nouvel album, Mabruk, est un cri qui résonne bien au-delà du désert.
A quand remonte votre prise de conscience de la situation du peuple sahraoui ?
Aziza Brahim : Je pensais que les camps de réfugiés constituaient notre terre jusqu’à l'âge de sept ou huit ans, quand on m’a dit que mon pays avait été annexé par le Maroc [en 1975]. J’ai alors appris que mon peuple se trouvait en Algérie parce qu’on l’avait dépouillé, et que ma famille avait dû s'enfuir de sa maison pour rejoindre un camp de réfugiés. Ce fut un énorme choc de se rendre compte qu’on existait grâce à l’aide humanitaire.
Il y a peu, vous êtes retournée au Sahara. Quelle est la situation actuelle ?
Aziza Brahim : Très
difficile. Les camps de réfugiés sahraouis sont les plus anciens au
monde. Ca me fait énormément de peine de voir que les politiciens des
pays impliqués (Espagne, Maroc, France et Etats Unis) ne trouvent pas
d’accord pour résoudre un problème sur lequel le Tribunal de la Haye
avait statué en 1975 [en octobre 1975, la Cour Internationale de Justice
de l'ONU a rappelé la priorité du droit des habitants de la colonie à
se prononcer par autodétermination ndlr]. J’essaie d’aider avec ma voix,
mes paroles et ma musique. Je parle de mon peuple, de son combat, et
surtout de l’oubli du monde envers lui. Ca fait plus de 36 ans qu’on est
confinés dans l’un des déserts les plus inhospitaliers du monde et ça
n’émeut pas les grandes puissances. Mais on se sent soutenus par
beaucoup de personnes et on est très reconnaissants.
Votre grand-mère occupe une place très importante dans votre vie ?
Aziza Brahim : Ma
grand-mère est l’une des plus grandes poétesses du peuple sahraoui.
C’est une femme combattante. Elle a toujours chanté le combat de son
peuple. C’est pour cela qu’on a voulu lui rendre hommage avec cet album.
Mabruk est un mot qu’on utilise comme une félicitation, on la remercie
de s’être totalement engagée auprès de son peuple. Le disque l’a
beaucoup émue. Elle n’aurait jamais pensé que ses textes pouvaient
s’adapter aux rythmes du rock’n’roll ou du blues.
La rencontre entre la musique sahraouie et le rock et le blues s’est faite de façon naturelle ?
Aziza Brahim : C’est
à travers le blues que nous nous libérons de nos sentiments. C’est la
musique la plus appropriée pour exprimer les peines de mon peuple. J’ai
découvert le rock avec le groupe que j’ai fondé en 2008, Gulili Mankoo
[«Je m’exprime dans l’union»]. On l’a nommé ainsi parce qu’on voulait
trouver une nouvelle forme d’expression dans une union entre toutes les
cultures. Aujourd’hui, le groupe est composé de musiciens sahraouis et
espagnols.
Comment avez-vous été amenée à séjourner à Cuba?
Aziza Brahim : Je
suis allée à Cuba très jeune. Il existait une convention entre nos
pays. J’y ai passé neuf ans et pour moi c’était comme découvrir le
monde. Non seulement j’y ai appris la langue castillane mais aussi
toutes les musiques cubaines comme le son, le tumbao et le mélange
africain qui existe aussi là-bas.
Vous avez également travaillé avec le groupe basque Oreka TX, comment vos musiques se sont-elles rapprochées ?
Aziza Brahim : Je crois que toutes les cultures ancestrales ont beaucoup en commun. J’ai fait la connaissance d’Oreka lors d'un concert à San Sébastien. Ils m’ont invitée à participer à leur projet Nomade au cours duquel j’ai pu me rapprocher des cultures indienne, mongole et lapone. Ce fut une expérience émouvante et enrichissante.
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